Après un premier passage de front puis la traversée d’une dorsale, les solitaires de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe ont fait les frais d’une deuxième perturbation très active dans la soirée d’hier. Un coup de vent court dans la durée mais d’une violence inouïe qui a notamment provoqué le chavirage de l’Ocean Fifty de Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton – ARSEP) puis les démâtages des Class40 d’Aurélien Ducroz (Crosscall) et d’Amélie Grassi (La Boulangère Bio) après celui du 60’ IMOCA de Louis Burton (Bureau Vallée), survenu plus tôt dans la journée. Depuis, la situation s’est nettement apaisée pour l’ensemble de la flotte. Une flotte qui, dans sa grande majorité, évolue, ce dimanche 13 novembre, dans un régime de traine d’ouest instable et assez soutenu, en direction des Açores.
Ce qu’il faut retenir :
- Vers vingt heures hier soir, alors qu’il évoluait en tête dans la classe des Ocean Fifty entre le Portugal et les Açores, Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton – ARSEP) a chaviré. Il se tient à l’abri dans sa coque centrale.
- Après Louis Burton (Bureau Vallée) chez les IMOCA hier en fin d’après-midi, Aurélien Ducroz (Crosscall) et Amélie Grassi (La Boulangère Bio) en Class40 ont été victime à leur tour d’un démâtage, dans la soirée, alors qu’ils évoluaient dans des conditions éprouvantes à environ 350 milles au nord-ouest du cap Finisterre.
- Le Croate Ivica Kostelic, skipper du Class40 ACI, contrarié par une accumulation de soucis techniques parmi lesquels la défaillance de son pilote automatique, est en passe d’arriver à La Corogne. Kéni Piperol (Captain Alternance), victime d’une voie d’eau, et Pierre Casenave-Péré (Legallais), en proie à des soucis de gréement, se dirigent actuellement vers ce même port.
- Guy Pronier, skipper du Rhum Mono Terranimo, est parvenu à régler ses soucis techniques et a repris sa route normalement sans finalement avoir besoin de faire escale en Espagne comme il l’avait un temps imaginé.
- Contraint à l’abandon à la suite d’une collision avec un cargo ayant entraîné le démâtage de son IMOCA, Damien Seguin (Groupe APICIL), qui fait route sous gréement de fortune, est attendu à Lorient ce dimanche en fin de journée.
« Ça a été rapide mais très très violent après le front. Le bateau sautait dans les vagues. On avait l’impression que tout allait exploser à chaque instant ! », a relaté Yoann Richomme, ce matin lors de la vacation officielle. Pourtant rompu aux conditions extrêmes et engagées, le très expérimenté skipper de Paprec-Arkéa et tenant du titre en Class40 dans cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe a manifestement été un peu surpris par l’intensité des conditions rencontrées hier en fin de journée, entre le Portugal et les Açores. « C’était flippant à souhait. Xavier Macaire est celui qui a attaqué le plus et j’avoue que je n’ai pas cherché à tenir son rythme surtout après avoir vu Aurélien Ducroz et Amélie Grassi démâter juste dans l’axe de mon tableau arrière. J’ai vraiment cru qu’on allait tous y passer ! », a détaillé le navigateur, non sans émotions. « Je sais ce que c’est de perdre son mât dans ce type de conditions. C’est incroyablement dur de défaire tous les bouts sur une mer démontée et de nuit de surcroît ! », a ajouté le navigateur, pas mécontent, on l’a compris, de retrouver des conditions plus maniables depuis quelques heures. « C’est sûr que ça fait un peu de bien. Ça permet de tout remettre en ordre », a assuré Yoann Richomme, désormais revenu dans le trio de tête au côté de Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo) et de Xavier Macaire (Groupe SNEF) après une formidable remontée à la suite de la pénalité de quatre heures dont il a écopé dans les premiers milles pour départ prématuré. « C’est certain que je ne n’aurais pas parié revenir si vite aux avant-postes après m’être arrêté à Fréhel ! », s’est réjoui le marin, pas du genre à prendre les choses pour acquises cependant, surtout dans le contexte météorologique actuel. De fait, de très nombreuses incertitudes demeurent quant à la suite des évènements, et notamment pour ce qui concerne l’évolution de l’anticyclone des Açores. Pour l’heure, en tous les cas, Yoann Richomme comme la grande majorité de la flotte, fait route vers le sud. « On en a tous marre de ces histoires de dépressions. On croit en une « infiltration » au sud de ce fameux anticyclone d’ici quelques jours ».
Des passages de grains dont il faut se méfier.
Si, pour lui et les autres concurrents de la Class40, il faudra patienter encore trois ou quatre jours avant de réussir à se glisser sous cette vaste zone de hautes pressions atmosphériques, il devrait en falloir moitié moins pour les IMOCA et les Ocean Fifty. En attendant, tous n’ont pas d’autres choix que de prendre leur mal en patience et de composer avec ce qui se présente. Dans l’immédiat, en l’occurrence, c’est dans un régime de traine d’ouest instable (entre 15 et 20 nœuds en moyenne), au reaching pour les uns ou au près débridé pour les autres, que cela se joue, et la tâche n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. « Le bord actuel en direction des Açores est assez pénible, avec une mer croisée et quelques grains qui ne pardonnent rien. Il faut rester vigilant », a indiqué de son côté Quentin Vlamynck, le skipper d’Arkema qui caracole de nouveau en tête chez les Ocean Fifty après le chavirage de Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton – ARSEP) survenu aux alentours de 20 heures, hier soir. « Cet accident a été pour nous tous une grosse piqûre de rappel pour calmer le jeu. Je continue, pour ma part, de naviguer de façon prudente », a commenté le marin, peu après avoir essuyé une survente à 35 nœuds, ce matin. « Il faut faire gaffe et cela ne laisse pas de temps pour aller dormir, surtout qu’il faut réfléchir à la suite. Je dois faire un point avec mes routeurs d’ici peu. En attendant que les choses s’éclaircissent davantage, je poursuis ma course un peu à l’aveugle et je me concentre pour aller le plus vite possible », a expliqué Quentin Vlamynck dont l’avance sur le poursuivant le plus proche, Sébastien Rogues (Primonial), se porte à une trentaine de milles au dernier pointage.
“Pas encore le rêve”
Trente milles c’est pratiquement l’écart qu’est parvenu à recréer Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) ces dernières douze heures sur François Gabart (SVR Lazartigue) qui s’était un temps installé aux commandes, hier. « François est revenu sur moi dans le petit temps, peu avant les Açores. Il allait tout droit, alors que moi, je n’y arrivais pas ! J’ai viré 4-5 fois, ce qui m’a demandé une énergie considérable. J’ai pris une option un peu plus musclée que la sienne dans l’archipel mais, pour finir, c’est revenu presque à la même chose », a raconté le leader de la classe Ultim 32/23 ce matin aux environs de cinq heures, tout en déboulant à plus de trente nœuds. Reste que si ses vitesses moyennes, comme celles de ses adversaires ayant aussi débordé l’archipel portugais, ont nettement augmenté, les alizés continuent de se faire attendre. « C’est encore un peu la guerre en termes de conditions. C’est loin d’être le rêve. On attend avec impatience de pouvoir enlever les cirés et de profiter de vents stables. Là, ça oscille en permanence entre vingt et trente nœuds, c’est loin d’être reposant », a concédé Charles Caudrelier qui pourrait attraper les fameux alizés d’ici à demain et alors débouler plein gaz et dans des conditions vraiment plaisantes en direction de l’arc Antillais !