Les leaders en Ultim 32/23 espéraient, hier soir, toucher les prémices de l’alizé, envoyer les gennakers et entamer les longues glissades au portant plein gaz en direction des Antilles. Malheureusement, le petit trou de souris dans lequel ils pensaient réussir à se faufiler s’est refermé devant eux. Ce samedi, comme l’ensemble des concurrents des autres classes et catégories de cette douzième Route du Rhum – Destination Guadeloupe, ils ne vont donc pas avoir d’autres choix que de réussir à s’extirper au plus vite d’une zone de molle avant de composer avec le passage d’un deuxième front froid, plus actif que le précédent. A la clé : des rafales de vent supérieures à quarante nœuds sur une mer chaotique. Pour résumer, cette journée de samedi s’annonce à la fois complexe et copieuse !
Ce qu’il faut retenir :
- En Class40, Jonas Gerkens (Volvo) a annoncé son abandon officiel. Son état de santé, sa voile J1 déchirée et son pilote automatique défaillant ont convaincu le navigateur belge de prendre cette douloureuse décision. Il fait actuellement route vers Lorient. Il reste 129 marins en course.
- Confronté à des problèmes techniques, Emmanuel Hammez, le skipper du Class40 Viranga, se déroute vers un port qui n’a pas encore été déterminé.
- Philippe Poupon (FLO), concurrent de la catégorie des Rhum Multi, est en approche de La Corogne où il va effectuer un arrêt technique afin de tenter de régler un problème de trinquette d’étai.
- Revenu à Lorient jeudi soir pour réparer sa dérive cassée, le skipper du Maxi Banque Populaire XI, Armel Le Cléac’h, doit reprendre la course ce samedi 12 novembre, sans ambitions sportives, mais avec la motivation de finir l’histoire.
« J’en ai un peu marre du faire du près. Vivement les conditions de vents portants ! », déclarait, hier, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) qui espérait alors hisser le gennaker dans la soirée et cavaler enfin tout schuss en direction de Pointe-à-Pitre. Raté. Le Finistérien va, en effet, devoir patienter encore un peu après que la petite porte dans laquelle lui et les autres leaders de la classe Ultim 32/23 espéraient s’engouffrer se referme devant eux. « On a raté le coche. On est donc obligé, ce matin, de relancer vers l’ouest pour aller chercher ce fameux deuxième front qui devrait être le bon pour nous permettre ensuite, de glisser sous l’anticyclone des Açores et de trouver les alizés demain. En tous les cas, on y croit », a commenté le navigateur lors de la vacation de 5 heures, après une petite sieste. « C’est sûr qu’on aurait bien aimé que ça se passe différemment car c’est encore un dossier qui nous attend », a ajouté le marin, rappelant que passer un front est toujours une source de stress et un travail physique considérable pour les skippers. « En Ultim, les manœuvres sont dures », a souligné Charles Caudrelier qui navigue quasiment bord à bord avec François Gabart (SVR – Lazartigue) depuis hier soir. « On a fait une petite bêtise avant le front, hier. On aurait peut-être dû aller tout droit. François est bien revenu. C’est toutefois sympa de l’avoir à côté. C’est toujours plus excitant quand il y a de l’action ! », a ajouté Charles qui conserve, pour l’heure, un léger avantage de six milles sur son adversaire.
S’extraire de la molle puis serrer un peu les dents.
Même topo ou presque chez les Ocean Fifty où Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton – ARSEP) a, lui aussi, effectué une belle remontée hier, parvenant même à chiper les commandes de la flotte à Quentin Vlamynck (Arkema) dans la soirée, grâce, d’une part, à une bonne vitesse et, d’autre part, grâce à un joli choix de trajectoire, légèrement plus nord que ses rivaux. « Quand on n’est pas surtoilé, on est capable d’aller vite en limitant les risques. J’avoue cependant qu’hier, c’était assez tonique. Le bateau faisait de grands sauts dans les vagues, c’était humide et il fallait accepter d’être un peu trempé. Pour le reste, c’est un vrai parti pris d’aller chercher cette position-là, mais on est là où on voulait », a relaté le Bretillien ce matin, alors scotché dans la dorsale. « On est un peu collé. Il y a entre trois et cinq nœuds de vent. Ce n’est ni plaisant, ni reposant alors que l’enjeu du moment, justement, c’est de se requinquer, de se reposer, de remanger avant quelques heures assez toniques à venir », a expliqué Thibaut Vauchel-Camus. On l’a compris, le programme du jour s’annonce chargé et pas franchement des plus plaisants, avec cette fameuse zone de molle dont il faut réussir à s’extraire au plus vite avant de se coltiner le passage d’un front froid actif. Une barrière météorologique susceptible de rebattre les cartes.
Retrouver au plus vite des vents portants.
« Dans la molle, il y a le risque de voir tout le monde recoller et quand on aura fini de batailler dans les petits airs, des rafales à 35-40 vont venir animer notre samedi. On ne va pas s’ennuyer ! En tous les cas, il ne va pas falloir s’endormir. », a promis Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo), qui a repris le leadership chez les Class40 qu’il avait laissé, un temps, à ses adversaires plus proches de la route orthodromique. « Sportivement, l’écart se fait avec les autres, derrière, sans faire de choses spécialement magiques. Ce sont de bonnes sensations ! », a ajouté le Nantais qui espère continuer de creuser l’écart sur ses poursuivants les plus proches, relégués, ce matin, à plus de huit milles de son tableau arrière. Il le sait, cela passera, entre autres, par le fait de réussir à trouver le meilleur passage pour sortir de cette zone de vent faibles puis, ensuite, par le fait de parvenir à préserver au mieux son matériel dans le vent fort cet après-midi, à l’avant du front. « Elle n’est pas simple, cette transat. Il faut faire les bons choix et ce n’est pas évident », a concédé de con côté Charlie Dalin (Apivia), solide leader dans la classe des IMOCA avec aujourd’hui, près de 70 milles d’avance sur son dauphin, Louis Burton (Bureau Vallée), décalé une cinquantaine de milles dans son nord. « Dès le coup de canon, ça a plutôt bien déroulé pour moi. Je suis content de ma vitesse et de ma trajectoire. Maintenant, tout l’enjeu de réussir à passer au plus vite dans l’alizé. »