Tout juste revenue des championnat du monde de basket 3×3 durant lesquels elle a terminé à la deuxième place, Marie-Eve Paget revient avec nous sur sa carrière, sa saison à Basket Landes avec cette belle victoire en Coupe de France, l’équipe de France et ses objectifs en vue des JO de Paris 2024.
Pour commencé, j’aimerais revenir à la base de votre carrière. Comment avez-vous découvert et commencé le basket ?
“C’était un peu par hasard. Mes parents cherchaient une activité pour que je me dépense parce que j’étais pleine d’énergie, et quand ils ont cherché ce qu’il pouvait y avoir aux alentours de chez moi, ils ont hésité entre le karaté et le basket. Comme tu peux le deviner, ils ont choisi le basket, tout d’abord parce que la licence était moins chère, mais aussi parce que c’était un sport collectif et qu’il voulait que j’apprenne à vivre ensemble. Donc j’ai commencé à jouer au basket à 5 ans et demi et je n’ai jamais arrêté. J’ai tout de suite aimé y jouer.”
Vous vous révélez du côté de Nice où vous êtes championne de Ligue 2 féminine en 2015. Cette même année, vous signez à l’UFAB. Pourquoi avoir changé de club alors que votre équipe montait au niveau supérieur ?
“Je suis parti parce que cette année-là, mon objectif était de retrouver un club de Ligue Féminine. Mais à l’époque, il y avait juste le champion de France de Ligue 2 qui montait. J’ai eu la proposition d’Angers un mois avant de savoir si on allait monter ou pas. Deux ans plus tôt, on avait raté la montée en perdant en finale donc cette fois-ci, j’avais préférée ne prendre aucun risque en saisissant l’opportunité d’Angers. Finalement, on a fini par monter avec Nice, mais au moins en signant à l’UFAB j’étais assuré de jouer en Ligue Féminine la saison suivante.”
Donc, quelque part, c’était pour s’assurer une progression.
“Oui c’est ça. Et puis la proposition d’Angers était une belle proposition. Ça m’a permis aussi de prendre mon envol. À Challes-les-Eaux et à Nice, j’ai eu le même entraîneur, et même si ça se passait très bien, j’avais besoin d’aller voir ce qu’il se faisait ailleurs afin d’apprendre d’autres choses d’autres entraîneurs.”
Vous restez deux ans à Angers, jusqu’en 2017, et au moment de la descente en Ligue 2 Féminine, vous décidez de signer aux Flammes Carolo. Malgré un temps plutôt faible, qu’est-ce que vous retenez de ce passage là-bas ?
“Je retiens beaucoup de choses. C’est vrai que cette période n’a pas été la plus épanouissante pour moi parce que j’avais effectivement peu de temps de jeu. J’ai appris justement à donner le meilleur de moi-même dans le peu de minutes que j’avais afin de pouvoir quand même impacter positivement le jeu de mon équipe. Et ça se rejoint, mais j’ai aussi appris à évoluer dans un milieu où on ne me faisait pas complètement confiance et où je n’étais pas la priorité. Ce sont des choses qui ont demandé de grosses ressources mentales. Mais au-delà de ça, j’ai aussi appris à jouer les premiers rôles avec mon équipe puisqu’on visait le top 4 et on avait des ambitions européennes. Donc c’était enfin un club avec lequel je pouvais viser le haut de tableau et non le maintien comme ce que j’avais pu connaître précédemment. Finalement, être dans un club qui a plus de moyens et qui est donc plus structuré, ça m’a permis de voir les exigences que demandait le fait d’avoir de grosses ambitions.”
Vous avez aussi découvert l’Euroligue à ce moment-là, c’est un autre niveau de compétition ?
“Oui, c’est un autre niveau de compétition. Après, je trouve que ce n’est pas vraiment défensivement que ça fait la différence. C’est surtout qu’il y a beaucoup de joueuses très talentueuses et donc en défense si tu fais la moindre erreur t’es sanctionnée. Il ne faut pas forcément donner plus d’intensité parce que ce n’est pas en Euroligue que les équipes défendent le mieux. Il y a plus de possibilités de s’exprimer en attaque par rapport au championnat de France parce que la défense est moins agressive.”
“C’est un moment inoubliable et pour l’instant, ce titre en Coupe de France est mon meilleur souvenir à Basket Landes.”
En 2019, vous partez à Basket Landes où vous allez gagner du temps et devenir championne de France en 2021. Est-ce que ce titre représente l’un de vos meilleurs souvenirs en club ?
“C’est un super souvenir. C’était mon premier titre et c’était la première fois que j’étais championne de France en première division. Et puis c’était une année un peu spéciale avec le Covid puisqu’on jouait à huis clos. Gagner un titre, c’est le résultat d’une belle saison.”
Après ce titre, vous devenez capitaine de l’équipe et vous gagnez à deux reprises la Coupe de France. En 2022, la victoire se dessine après deux prolongations face à Bourges. Est-ce que le fait d’être capitaine et ces deux prolongations font de cette victoire l’une des plus belles et en même temps l’une des plus difficiles ?
“Le statut de capitaine n’a pas vraiment de rôle sur les sensations et les émotions en fin de match. Mis à part ça, le fait d’être capitaine m’a permis de soulever la coupe. Cette année-là, je l’ai soulevée avec Céline (Dumerc). Mais cette victoire après deux prolongations, c’était vraiment au bout du suspense. On est fière de ce résultat parce que les deux équipes jouaient magnifiquement bien et ça aurait pu tomber d’un côté comme de l’autre. Et en plus, contrairement au titre de championne de France, on a pu fêter ça avec le public, ce qui a décuplé les émotions. C’est un moment inoubliable et pour l’instant, ce titre en Coupe de France est mon meilleur souvenir à Basket Landes.”
Pour le titre de cette année, est-ce que le fait que ce soit le dernier de Céline Dumerc rajoute des émotions à cette victoire ?
“Je lui ai demandé si elle voulait porter la coupe vu que c’était sa dernière et elle n’a pas voulu. Mais oui, on était toutes super contentes et quand on a la chance de côtoyer une joueuse de ce calibre avec le palmarès qu’elle a et l’aura qu’elle dégage, on savait qu’il fallait qu’on remporte ce titre. Elle méritait de finir sur un titre et on a réussi à lui offrir donc c’est génial.”
Cette année, vous disputez les playoffs face à Bourges. Qu’est-ce qu’il vous a manqué pour passer cette étape ?
“C’était un peu à l’image de notre saison. On a eu des hauts et des bas donc ça a été une saison compliquée. On avait mal commencé et finalement, on arrive à la rendre plutôt belle puisqu’on ramène un titre de Coupe de France et on se qualifie en playoffs. Mais face à Bourges, au deuxième match, on a cruellement manqué d’adresse, ce qui nous coûte le match. Pourtant, on n’avait pas fait un mauvais match et le score ne reflète pas du tout la bataille qu’on a pu livrer. On rate en plus des lancers francs importants et c’est vrai qu’à ce niveau-là des paniers faciles qui sont ratés ça ne pardonne pas. On a eu des opportunités et on n’a pas su les saisir. Finalement, on est à notre place. On finit cinquième, on ne passe pas le premier tour et on tombe face à Bourges. En plus, quand on voit que cette équipe finit quatrième en saison régulière, c’est que cette année était vraiment compliquée avec beaucoup de prétendants pour le titre. On aurait espéré mieux, mais quand on observe la saison dans son ensemble, on peut être contente. Au début, quand on se retrouve à zéro victoire et neuf défaites en championnat et Euroligue confondu, on aurait directement signé si on nous avait dit qu’on finirait la saison de cette manière-là.”
Le basket 3×3 vous a apporté du leadership aussi avec l’obligation d’un plus grand nombre de prises d’initiatives ?
“Oui, on peut dire ça comme ça. Il y a un peu plus de places pour chacune donc forcément il y a un peu plus d’opportunités de prendre des initiatives. Dans mon cas, j’essaye de prendre plus de places. En tant que capitaine, on se doit de prendre aussi plus d’initiatives quand l’équipe en a besoin pour apporter du leadership. Donc c’est vraiment différent et c’est plus facile pour un basketteur d’exprimer son leadership sur du 3×3 que sur du 5×5.”
Vous pouvez observer beaucoup de différences entre le 3×3 et le 5×5 ?
“Ce sont deux disciplines totalement différentes. Le 3×3 est une discipline beaucoup plus énergisante qui demande beaucoup plus de cardio et de résistance physique comme les attaques durent 12 secondes. Il n’y a pas de temps de latence parce que sinon tu prends vite des paniers sur la tête. En 5×5, même dans le jeu on n’a pas plus de temps pour souffler quand on remonte la balle par exemple. Le côté tactique est par contre moins présent en 3×3 puisque les systèmes sont plus courts. Mais pour moi la grosse différence entre les deux, c’est que le coach soit dans les tribunes pour les matchs 3×3. Le coaching se fait donc en amont de la rencontre donc c’est toi et tes coéquipières qui doivent comprendre pendant le match ce qui va et ce qui ne va pas pour trouver des solutions. On doit donc être plus autonome et on doit développer une meilleure capacité d’analyse. Souvent, c’est la joueuse qui ne joue pas qui analyse le match et qui donne des consignes comme elle a un regard extérieur.”
Ça fait un moment que vous jouez ensemble avec Laetitia Guapo, Myriam Djekoundade et Hortense Limouzin. C’est important d’avoir une bonne cohésion d’équipe en basket 3×3 pour ne pas avoir peur de dire ce qui va et ce qui ne va pas à ses coéquipières ?
“Finalement, ça ne fait pas si longtemps que ça puisqu’on a juste fait les championnats du monde ensemble l’été dernier. En plus, l’année dernière, après cette compétition, je suis parti avec l’équipe de France 5×5 donc je n’ai pas pu continuer à jouer avec les filles. Mais c’est vrai qu’en 3×3 il faut être sur la même longueur d’onde que ses coéquipières pour que les messages circulent bien. En 5×5, si avec une des joueuses la communication est difficile, c’est moins grave parce qu’il y a 3 autres joueuses autour en plus du coach qui peut prendre la parole.”
“Quand on est arrivé en finale face au Canada, on s’est dit que c’était le titre ou rien.”
Toujours pour rester sur le basket 3×3, est-ce que vous pouvez nous parler des émotions que vous avez pu ressentir pendant et après la finale des championnats du monde ?
“L’année dernière, c’était un renouveau pour moi puisqu’on avait changé d’équipe. Même si Laetitia Guapo était toujours là, je n’avais jamais joué avec Hortense Limouzin et Myriam Djekoundade. C’était aussi la première fois que je jouais avec une fille plus petite que moi donc c’était une équipe sans joueuses de grande taille. Donc personnellement, je n’avais pas forcément d’attentes pour cette Coupe du Monde puisque c’était le début d’un nouveau cycle. Il fallait qu’on arrive à trouver des automatismes et qu’on apprenne à jouer ensemble. Au fil de la compétition, on a commencé à monter en puissance et chacune a vite trouvé sa place. On a passé les étapes les unes après les autres en éliminant l’Espagne en quart et la Chine en demi. Donc quand on est arrivé en finale face au Canada, on s’est dit que c’était le titre ou rien. Finalement, pendant le match, on joue très bien et prend vite les devants. Le Canada finit par revenir mais on reste sereines et on finit championnes du monde. Une fois le match fini, les émotions sont incroyables. On vient de gagner le premier titre de l’histoire du basket français en 3×3. Parallèlement, les garçons avaient remporté le bronze au terme d’un super match donc ça restera un moment particulier de ma carrière. Partagé ça avec le staff, les garçons et les supporters qui étaient venus c’était vraiment génial.”
Vous parliez juste avant que vous aviez une équipe de petite taille. Pensez-vous que cette année en finale face aux Etats-Unis ce défaut a pesé sur la rencontre avec la présence de Cameron Brink ?
“Non, je ne pense pas que ce soit à cause de ça qu’on perd la finale. On a surtout fait beaucoup de fautes ce qui leur a donné des paniers faciles sur lancers francs. Elles nous ont aussi bousculés défensivement, mais je reste persuadé qu’on a prouvé face à des équipes comme l’Australie ou le Canada que la taille ne faisait pas forcément la différence. Même avec notre petite taille, on arrivait à prendre des rebonds et à prendre de vitesse les grandes. Donc c’est vrai que Brink a fait un gros travail face à nous, mais ce n’était pas ça la clé du match. Si on met un ou deux paniers de plus et deux ou trois fautes de moins, le match est complètement différent et on peut jouer les yeux dans les yeux face à cette équipe. On a pas su répondre présent sur ce match et c’est ce qui nous coûte la victoire plutôt que la taille de Brink.”
C’est une déception cette deuxième place ou vous en êtes quand même fières ?
“Évidemment, nous sommes des compétitrices donc on veut toujours obtenir la médaille d’or. Mais vu le parcours qu’on a fait et la préparation qu’on a eue, en plus du niveau qui s’est considérablement amélioré, être vice-championne du monde, c’est une très belle performance. Cette deuxième place a aussi ses avantages puisque l’année prochaine, nous n’aurons pas le statut de favori et donc moins de pression même si on sera à la maison. Myriam Djekoundade et Hortense Limouzin, qui n’avait pas connu de défaite jusqu’ici, vont pouvoir aussi se forger une motivation supplémentaire. Aussi le fait que nous ayons perdu montre que nous avons encore une marge de progression, ce qui est plutôt positif. Donc oui, on aurait aimé avoir l’or, mais quand on prend du recul, on se rend compte que la défaite va nous obliger à aller chercher plus loin dans nos performances.”
Votre objectif avant la compétition était d’aller chercher l’or ?
“L’objectif était d’aller le plus loin possible donc d’aller chercher la médaille d’or. En étant deuxième on reste quand même dans nos objectifs donc même si ce n’était pas ce qu’on était venu chercher, c’est une performance qu’on ne peut pas négliger. On doit en être fière parce que beaucoup d’équipes auraient aimé être à notre place.”
Pour la saison prochaine, vous avez décidé de mettre une pause sur votre carrière 5×5 pour vous concentrer sur les JO 2024 à Paris et le tournoi 3×3. Cette décision était évidente pour vous ou vous avez longuement hésité avant de prendre cette décision ?
“Quand la fédération a monté ce projet, elle nous a tout de suite mises au courant. Évidemment, j’ai eu quelques interrogations, mais pour moi le choix a vite été évident. L’objectif est de réussir à obtenir une médaille aux JO de Paris 2024, ce qui représenterait la plus belle des médailles. Ce projet de préparation olympique est organisé dans cette optique-là. De ce que je peux avoir sur les réseaux ou dans les médias, deux mois de préparation ne suffisent pas et on l’a vu à Tokyo puisqu’on finit quatrième. Donc, pendant un an, si on peut se consacrer seulement à cette discipline avec des compétitions organisées durant ce programme, c’est le maximum qu’on peut mettre en place dans le but d’obtenir une médaille. Ça va nous permettre de ne rien laisser au hasard et de se concentrer sur les détails. Ce n’était pas une décision simple à prendre mais mon objectif c’est les JO donc je mets tout en place pour pouvoir le remplir.”
Vous reviendrez à votre carrière de basket 5×5 après les JO ?
“Oui, car c’est un projet exceptionnel dans le but de préparer les Jeux à la maison. Après, je retournerai à ma carrière de basket 5×5.”
Vous retournerez à Basket Landes ou vous changerez d’équipe ?
“Je suis en fin de contrat donc je partirai voir ailleurs. On verra après les JO les différents projets qui pourront m’être proposée.”
En France ou à l’étranger ?
“Je ne suis pas forcément fermée à l’étranger. Dans tous les cas, je choisirai un projet ambitieux qui me permettra de continuer à m’épanouir.”
Pour terminer, pouvez-vous nous faire un bilan rapide de la saison qui vient de s’écouler ?
“Le bilan de la saison avec Basket Landes est plutôt positif, car ça n’a pas été une année très simple. Au final, on ne s’est jamais écroulé, on a fait preuve de caractère et ça a payé puisqu’on a fini par avoir un titre en Coupe de France et une place assurée en Coupe d’Europe l’année prochaine. Individuellement, je fais encore une belle saison en apportant à l’équipe du scoring et du leadership quand on jouait moins bien puis du calme quand l’équipe était sur une bonne lancée. Et en équipe de France, on a eu une préparation compliquée avec beaucoup de fatigue mentale accumulée et des doutes. Mais dans la compétition je suis contente, car j’ai réussi à me concentrer et à me mettre en mode “machine” donc j’ai tout donné et je suis plutôt contente de ce que j’ai pu réaliser cette année même si on peut toujours faire mieux.”