Inscrit de dernière heure, Éric PERON a rejoint le quintet de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE-Brest. A bord de l’ex-Géronimo complètement refondu par Thomas Coville en 2013, le voici, à quarante-deux ans, skipper d’un nouveau défi. « Le défi d’une vie » dit-il, lui qui mène la sienne comme une aventure au quotidien depuis plus de trente ans entre voile olympique, Figaro, Ocean Fifty et Volvo Ocean Race… Être au départ de Brest le 7 janvier est une première victoire. La suite n’est pas que du sport et il ne veut surtout pas la banaliser…
L’histoire d’Éric Péron commence sur une cale de mise à l’eau. Des parents qui se rencontrent sur une régate de 470, un père suffisamment passionné pour faire de la voile sa deuxième vie en tant que vendeur d’accastillage itinérant, un frère équipier. Et voilà la caravane Péron que l’on retrouve de port en port au gré des régates et des championnats avec pour ancrage le pays Bigouden.
Licencié au Centre Nautique de Loctudy, Éric use ses fonds de culottes en Optimist, 420 puis 470, une filière un peu trop calme à son goût, lui qui surfe à La Torche quand il a un moment de libre. “A mon époque, la régate en cata était considérée de moins haut niveau, alors tu faisais du quat‘sept. Avec mon frère, on avait le goût de la glisse et on aurait sans doute été meilleurs en multicoque.”
A la veille de l’an 2000, Éric a 18 ans, et « pas vraiment la préoccupation de savoir ce qu’il va faire de sa vie ». Il s’inscrit en STAPS comme les copains, rencontre David Ullman aux Etats-Unis, apprend à dessiner des voiles et importe même la licence Ullman Sails en France.
Puis finit par se « faire entourlouper », c’est son expression, par la course au large pour rentrer en Figaro ! Il courra 10 Solitaires entre 2006 et 2019 avec des bonheurs variés. Vite reconnu par ses pairs, Éric peine pourtant à se faire un nom. Son homonyme, Loïck Peyron, amuse la galerie en prenant la voix de Dark Vador pour dire « je ne suis pas son père ! ». Ça fait rigoler Éric qui dit ne jamais avoir souffert du hasard phonétique, « plutôt utile au début quand tu as des fournisseurs ou des partenaires au téléphone ! ».
Son CV en voile légère lui ouvre immédiatement les portes du Pôle Finistère Course au Large de Port-La-Forêt qu’il ne quittera plus : « Le Pôle te donne un cadre, des outils ».
Une étonnante capacité de rebond.
Quatrième de la Solitaire du Figaro en 2010, deuxième de la Transat AG2R en 2012, la grande victoire qui sonne le déclic vers d’autres horizons lui échappe et laisse quelques regrets : « J’aime beaucoup le chemin pour arriver et parfois, je m’oublie un peu en route. A un moment, il faut arrêter de contempler, dégainer et gagner ».
Romantique plus que tueur, Éric Péron n’a aucune pudeur à raconter ses échecs. « C’est un extraverti très attachant », dit de lui Thomas Rouxel qui le côtoie depuis les années voile légère. « Il a compris très tôt l’intérêt de communiquer et ne fait pas du storytelling. Il se raconte facilement et comme il est très entreprenant, ça lui ouvre des portes ».
Après quelques piges en IMOCA, Éric Péron embarque sur Dongfeng dans la Volvo Ocean Race en 2014-2015. L’expérience du gros bateau mené à l’extrême lui plaît et il se sent prêt pour lancer un projet Vendée Globe. Il trouve un sponsor, investit dans un bureau d’études, réserve un créneau chez Persico en Italie pour un plan Verdier mais doit renoncer devant la défection de son partenaire avec des dettes à la clef.
L’entreprenant Péron rebondit rapidement en créant French Touch Oceans Club, club d’entreprises réunies autour du savoir-faire tricolore. Il s’endette à nouveau pour acheter un Figaro Beneteau 3, l’année du lancement du monotype, se grime en pilote bleu blanc rouge de la Patrouille de France et réussit son retour sur la Solitaire en claquant une étape alors que tous les cadors des années 90 et 2000 – Les Peyron, Desjoyeaux et autres Eliès -, sont revenus pour fêter l’arrivée du nouveau monotype. Il embraye en Ocean Fifty, première véritable expérience océanique en multicoque en solitaire sur la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, bouclée avec les honneurs.
Il aurait pu mobiliser ses partenaires et trouver de nouveaux sponsors pour transformer l’essai avec un 50 pieds plus affûté. Mais l’opportunité d’un Tour du monde en multicoque en solitaire et en course est historique. Éric veut en être. Alors que la date limite d’inscription est passée, il trouve un nouveau partenaire, ADAGIO, pour louer l’ancien Géronimo. Les cinq inscrits de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE-Brest acceptent à l’unisson de tordre la règle pour intégrer celui qu’on n’espérait plus. Au défi sportif et technologique, la participation d’Éric ajoute une touche d’aventure et de fraîcheur bienvenue. Le skipper d’ADAGIO, seul trimaran non volant de la course, sait qu’il pourrait être vite distancé dans l’Atlantique mais sa première victoire est d’être au départ. “Ensuite, la course ne va pas se jouer sur un coup stratégique. On part tous ensemble, mais pour arriver, il faudra naviguer avec des œillères. Ce sera à chacun de gérer sa machine.”