Prendre le temps, quelques minutes, même en étant lancé dans un sprint infernal. Chaque semaine, un skipper s’attachera à répondre à nos questions, en revenant sur les défis du moment et évoquer l’intensité de la course. Pour lancer ce premier rendez-vous avec PassionSports49, coup de fil à Charles CAUDRELIER. Légèrement en tête depuis la traversée du golfe de Gascogne. Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild se veut toujours alerte, vigilant, ayant conscience que le moindre détail (un réglage, un surplus de vent)– peut lui permettre de prendre un peu plus l’avantage. Charles n’oublie rien : la bataille du moment, la dépression à venir et la gestion au long court. Il a fallu trois tentatives et quelques sonneries pour qu’il décroche. “Je sors de ma sieste”, se justifie Charles avant de dérouler ses impressions, avec l’extrême lucidité et la motivation exacerbée qui le caractérisent.
Comment résumez-vous votre début de course ?
“C’est un tour du monde, on n’est pas en mode “Route du Rhum” ! On s’est bien tiré la bourre dans le Golfe de Gascogne, il a fallu bien barrer le bateau et je n’ai pas beaucoup dormi la première nuit. Mais j’ai réussi à me reposer hier et j’ai bien dormi cette nuit. C’est important de rester en forme. J’essaie de faire ma route sans trop m’occuper des autres. On ne va pas avoir beaucoup de vent dans les prochaines heures, puis beaucoup ensuite…”
Etes-vous impressionné par le rythme depuis le départ ?
“Il y a de l’intensité entre nous, ça c’est sûr, même un peu trop parfois ! J’ai calmé le jeu dans la brise pour le bateau, surtout après avoir atteint les 45, 46 nœuds… Je trouve que ça allait presque un peu trop vite pour un début de tour du monde. On est parti en étant bien rapide mais je pense que tout le monde va trouver son rythme et va se caler petit à petit d’autant que les choses sérieuses commencent demain avec les premières dépressions. Mais c’est sympa de voir qu’on est tous collés les uns aux autres.”
“Arriver à placer le curseur au bon endroit”
Vous êtes tous ralenti, depuis ce mardi, par une bulle anticyclonique qu’il convient de contourner. Comment décrivez-vous la marche à suivre ?
“Il faut parvenir à passer dessous. Plus tu passes près, plus tu as un bon angle, une bonne rotation du vent mais tu as moins d’air. C’est un peu un jeu entre la direction et la force du vent. On n’aura pas le résultat tout de suite. Moi je rentre le premier dedans donc tout le monde va revenir sur moi… Ça fait partie du jeu !”
Demain après-midi, il y aura cette première dépression. Quelle est votre stratégie, l’avez-vous déterminée avec votre cellule routage ?
“Cela évolue un petit peu mais on n’a pas vraiment le choix. Il va falloir trouver la bonne limite entre « pas trop de vent » et « pas trop de mer ». Bien sûr, la route est meilleure si tu vas dedans mais le risque est plus fort. Et en début de tour du monde, on n’a pas trop envie de jouer. Il faut qu’on arrive à placer le curseur au bon endroit.”
Et où est-ce qu’il faut le placer ?
“On sait que plus on fait du Sud mieux c’est. Tu perds forcément un peu de temps sur la route optimale mais ça reste le début du tour du monde, il faut être sérieux. Moi, j’avoue que je ne me suis pas encore concentré sur cette partie-là. Le moyen et long terme, je le laisse aux routeurs. Moi je me concentre sur les heures qui viennent à chaque fois, bien préparer la journée, bien la gérer.”
“Je ne pense pas du tout au classement”
Cela peut quand même créer des écarts entre vous ?
“Oui, cela peut contribuer à éparpiller un peu la flotte. Personne ne va vraiment passer au même endroit, personne n’aura les mêmes performances et puis il y a pas mal de manœuvres à faire, ce qui peut aussi créer des écarts. Dans l’anticyclone, tout est aléatoire et la bonne position n’est jamais facile à trouver. Mais il y a un mur devant nous donc les écarts peuvent aussi se réduire à peau de chagrin.”
Le fait d’être en tête, même au sein d’une flotte aussi resserrée, c’est un petit bonus ?
“Je ne pense pas du tout au classement. Je sais que si je commence à y penser, ça m’obsède. Je fais ma route sans trop penser aux autres. Quand je parle des autres, je me fais rappeler à l’ordre par mes routeurs (rire). C’est bien, on est en tête, mais cela ne veut rien dire. Nous sommes dans un mouchoir de poche, on verra bien ce que cela va donner !”
Vous vous sentez bien amariné ?
“Oui, je suis content. J’ai bien dormi, j’arrive à bien m’alimenter et c’est vraiment top. Je vais peut-être refaire une sieste, mais cela va !”
LE POINT SUR LA COURSE. À partir de demain après-midi, “ça va être sport”.
“Dans l’anticyclone, tout est aléatoire », confiait Charles Caudrelier. C’est en tout cas ce qu’expérimente la bande des cinq depuis ce matin. Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild conserve la tête alors qu’ils ont tous mis le clignotant vers l’Ouest. « En matière de conditions, ça va devenir très léger » confiait Will Oxley de la cellule routage de Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) en fin de matinée. Il conviendra de surveiller la stratégie plus Sud d’Armel Le Cléac’h, liée à un décalage dans l’Est un peu plus tôt.
Cet après-midi, alors que le vent ne dépassait pas les sept nœuds, le skipper du Maxi Banque Populaire XI était le seul à progresser à plus de 10 nœuds. Après avoir gérer cette transition pas si évidente à négocier, les regards se tourneront donc vers cette dépression qui s’étire de l’Irlande jusqu’au Cap Vert. Un mur à franchir avec du vent autour de quarante nœuds et des vagues d’au moins quatre à six mètres. “Le vent de secteur Sud va rentrer progressivement et ça va commencer à se corser”, souligne Guillaume Rottée, le directeur de course. À partir de demain après-midi, ils vont entrer dans le vif du sujet. Cela va être sport.”