Le skipper d’Actual Ultim 3 a passé la ligne d’arrivée ce lundi, à 15 h 08 minutes et 21 secondes. Il termine donc 4e de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest à l’issue de 64 jours 01 heure 38 minutes et 21 secondes de compétition. Anthony Marchand, qui a dû s’arrêter à deux reprises, a traversé l’océan Indien, le Pacifique et remonté l’Atlantique en étant privé de ses deux foils. Il a dû s’adapter, réapprendre à naviguer, tenir bon et s’accrocher. En moins de deux ans, ‘Antho’ a achevé son premier tour du monde en solitaire en ULTIM après avoir bouclé la moitié d’un tour du monde en IMOCA (à bord de Biotherm en 2023). De quoi démontrer tout son talent et son abnégation au sein de cette classe de très haut niveau.
Franchir la ligne de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest sera sans doute, pour Anthony Marchand, l’occasion de replonger dans sa boite à souvenirs, se remémorer ce convoyage à bord d’Actual Ultim 3, il y a deux ans à l’issue de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe : « Yves (Le Blevec) m’avait confié son bateau, se souvient-il. C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’étais capable de faire ce tour du monde ». ‘Antho’ peut avoir des mots légers, le sourire facile, le goût des plaisirs simples, de glisse et d’évasion, il sait que les mots comptent. « Le jour où je me suis engagé avec Actual, c’était un ‘oui’ réfléchi, pas une parole légère ». Dès lors, le tour du monde est une saine obsession : un an d’entraînement, trois étapes de The Ocean Race et le grand saut, donc, à la barre de « son » ULTIM.
Deux escales, deux coups durs, deux nouveaux départs.
À la veille du départ, sa décontraction prête à sourire. « J’ai eu le temps de traîner en pilou-pilou et manger un bon plat de pâtes bolognaises », a-t-il confié alors. La suite, c’est l’émotion qui lui coûte quelques larmes et le grand saut, qui débute par un sprint à faire monter le palpitant. ‘Antho’ a la jeunesse pour lui, la fougue et les habitudes d’acharné de La Solitaire du Figaro. « Quand il faudra essayer de tenter des coups, je le ferai ». Son début de course le démontre. Il est au contact avec les quatre premiers dans le golfe de Gascogne, jusqu’à Madère.
‘Antho’ ne sera pas seul longtemps. Il dépasse Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI) à l’issue de l’escale à Récife de ce dernier et c’est ensemble qu’ils contournent l’anticyclone de Sainte-Hélène, et longent la ZEA (Zone d’Exclusion Antarctique). La progression prendra un coup d’arrêt, la faute à un impact sur le foil bâbord (le 23 janvier). L’escale à Cape Town dure un peu plus de 24 heures, l’équipe d’Actual réalise une prouesse logistique, et le skipper repart avec un bateau « pas à 100% mais sain » et prêt pour les mers du Sud. Seul dans l’océan Indien, le marin se résout à une nouvelle escale en Tasmanie (le 11 février), la faute cette fois à la casse du mécanisme qui permet au foil tribord de rester en position basse. « Sur le moment, ça a été une énorme déception, je n’ai pas pu retenir mes larmes ». Mais l’équipe est à nouveau là pour réparer, l’accueil à Dunedin est chaleureux.
Pas épargné par les conditions.
En reprenant la course, ‘Antho’ avait tout à réinventer. « Sans foil, les flotteurs sont dans l’eau, les vagues s’éclatent contre les bras avant, les mouvements fragilisent le bateau, les alarmes retentissent ». Il n’a pas seulement perdu de la vitesse mais aussi du confort. Naviguer sur un foiler, sans foil, c’est normalement l’assurance de la crise de nerfs. « Ça ne sert à rien de cogiter, il faut continuer à avancer », confie-t-il. L’exploit est là, à l’abri des regards. ‘Antho’ n’en rajoute pas, il serre les dents et s’agace parfois mais cela restera dans l’intimité de son cockpit.
Les conditions météos n’aident pas non plus à souffler. Les rafales à plus de 45 nœuds dans le Pacifique, le vent qui se fait si rare dans l’Atlantique Sud et qui oblige à manœuvrer comme jamais le long des côtes, cette mer formée de 3 à 5 mètres lors de ces derniers jours de course… Cinquante nuances de mer, de vent, de conditions offrent la certitude qu’il a disputé un peu plus qu’une course, que l’aventure était totale. Yves Le Blevec, Directeur du team Actual, le dit avec ses mots : « ‘Antho’ est allé très loin dans l’engagement, personne ne peut sortir indemne de ça ».
Au côté des Charles Caudrelier, Thomas Coville et Armel Le Cléac’h, skippers à l’expérience colossale, il y a donc un marin encore un peu trentenaire (39 ans) qui n’en finit plus de franchir les paliers de la course au large. Lui qui rêvait d’un tour du monde a eu le droit à un trop-plein de tout – de conditions, d’émotions, d’abnégation – et il s’en sort avec les honneurs. ‘Antho’ cultive lui aussi son talent, sa capacité de résistance, son sang-froid à toute épreuve et une certaine idée du dépassement de soi. Au cœur du Pacifique, il confiait : « en mer, il y a toujours du stress. Mais ce n’est pas une peur, c’est un état nécessaire pour être en permanence à l’écoute du vent, d’une risée, d’une alarme qui sonne ». Marchand a les réflexions des figures de son sport mais pas seulement : il fait lui aussi partie des plus grands de son temps.
La course d’Anthony Marchand en chiffres :
Lundi 11/03 à 15 h 08 21 secondes
Temps de course : 64j 1h 38 min 21 sec
Milles parcourus : 29 948,03 milles
Vitesse moyenne réelle : 19,48 nœuds
Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 15,80 nœuds