Nathan Pilard, jeune pongiste de 15 ans aux Loups d’Angers et fils de David Pilard, coach des Pro A du même club, possède déjà un grand palmarès international et européen. Victorieux au sein de l’équipe de Nationale 2, il a contribué à la montée de l’équipe en 3e division française. Son père revient avec nous sur sa manière d’aborder les rencontres, ses accomplissements et ses futurs objectifs.

Bonjour David, est-ce que vous pourriez nous présenter votre fils et le palmarès qu’il possède, à seulement 15 ans ?

“Nathan a commencé très tôt à jouer parce qu’il était dans les salles avec moi dès son plus jeune âge. Il est gaucher et il a été au pôle France de Tours quand il était au collège, à partir de la 6e. Maintenant, depuis 2 ans, il est au pôle France de Nantes en cadet junior. Il a été Champion de France minimes en simple, Champion de France benjamins et cadets, en double, il a été champion d’Europe en double mixte cette année et médaillé de bronze par équipe en championnat d’Europe. Il est actuellement dans les 40 premiers mondiaux de sa catégorie. Ils ont également gagné le titre de champion de France de Nationale 2, pour remonter en Nationale 1, troisième division française en senior.”

Comment a-t-il commencé le tennis de table ? Grâce à vous ?

“Oui, c’est ça. On remarque qu’il y a souvent de très bons joueurs qui sont les frères ou fils de joueurs professionnels. Ils viennent les voir puis ils prennent une raquette et une balle beaucoup plus tôt que les autres. Ils s’amusent avec une balle et une raquette et ils viennent naturellement jouer. Il faut aussi du talent et beaucoup d’entraînement. Quand on commence tôt, il y a forcément des avantages.”

Vous êtes son papa, mais êtes-vous aussi son coach ?

“Non, pas trop. Quelquefois. Je le coachais quand il était tout petit. Après, on a arrêté, que ce soit lui ou moi, la place du papa et du coach ne fonctionnait pas très bien. J’ai lâché le coaching, c’était très bien pour lui et pour moi. Maintenant, il a grandi donc il sait vraiment bien faire la part des choses. Quand je ne coache pas, ça m’arrange, mais, par exemple, personne ne pouvait aller en Suède récemment, donc je l’ai coaché et ça c’est très bien passé. Je préfère quand même laisser ma place sur le banc. J’espère le revoir sur le banc avec l’équipe première, mais pour l’instant, je le laisse. “

Il a fait une bonne saison cette année ?

“Il a fait une très bonne saison puisque, pour nous, la saison commence en juillet. Il a fait les championnats d’Europe en juillet, il s’est qualifié pour le top 10 Européen en Roumanie. Il y a tout un circuit WTT (World Table Tennis), ce sont des tournois internationaux où il y a entre 25 et 40 nations à chaque fois. On y participe en fonction de sa catégorie (U13, U15, U17…), on marque des points en fonction de nos résultats pour le classement mondial. C’est impératif, il a dû en faire entre 10 et 12 cette année. Il est allé au Qatar, au Portugal, en Tunisie, en Allemagne, en Pologne et on rentre de Suède récemment. Il a fait les championnats du monde en décembre où il a fait deux quarts de finale, une très belle performance, car il y a tous les meilleurs joueurs de la planète qui viennent. Il y en avait un peu moins il y a quelques années, aujourd’hui les meilleurs du monde viennent systématiquement. Là, il vient d’être qualifié pour jouer les qualifications pour les championnats d’Europe juniors, où il affrontera des joueurs qui ont 4 ans de plus que lui.”

Vous évoquiez précédemment qu’il jouait avec la Nationale 2. Il est déjà considéré comme un professionnel ?

“Alors je vous dirais non, par rapport aux salaires. Quand on est professionnel, c’est que l’on a un salaire. Il gagne de l’argent qui lui sert à investir dans son projet et à aller faire des tournois internationaux. Après, il a un rythme de professionnel puisqu’il s’entraîne tous les jours, en plus des compétitions, il n’a pas de week-end, s’il n’a pas de compétition, il reste à Nantes pour s’entraîner. Il s’entraîne autant que les joueurs pros. Pour l’école, quand il est à Nantes, il peut aller en cours, sinon ce n’est que par Internet. On met tout en place pour qu’il puisse jouer de façon optimale. Cela demande beaucoup d’investissement et d’entraînement. Donc il est comme les pros, mais sans le salaire.”

Avec les compétitions internationales et européennes qu’il peut être amené à faire dans l’année, comment arrive-t-il à gérer le côté scolaire et le côté sportif ?

“Tout son cursus scolaire est mis sur son ordinateur. L’école lui donne un ordinateur, tous les cours sont dessus, il peut faire des visio-conférences avec ses professeurs, il peut envoyer des messages. Quand il part loin de son école, il peut continuer à travailler, il peut faire les interros à distance et les envoyer par ordinateur. Quand il revient sur Nantes, il va en cours en présentiel. Autrement, c’est impossible. C’est une école de sportifs, il est au Centre Éducatif Nantais pour Sportifs. On est l’un des seuls sports où les joueurs partent aussi longtemps et aussi souvent. Avant, ce n’était qu’en présentiel et il rattrapait les cours, mais pour les pongistes, c’est impossible, car ils partent trop souvent. Donc, il faut qu’il travaille en dehors de l’école.”

Il est trop jeune pour participer aux JO de 2024, mais j’ai lu qu’il voulait tenter ceux de 2028. Les places sont chères pour faire partie de la délégation française, vous qui le voyez jouer, vous pensez qu’il a toutes ses chances ?

“Moi, grâce à mon travail de coach, je côtoie plein de champions, dans notre équipe ou chez les adversaires et la chose qu’on remarque tout le temps chez les champions, c’est qu’ils n’ont pas de limites. Les autres joueurs se mettent des limites : “C’est déjà bien de faire ça, c’est pas mal”. Les champions, à chaque fois qu’ils sont arrivés à un objectif, ils s’en mettent un autre. Pour Nathan, s’il veut aller aux JO en 2028 ou 2032, il n’y arrivera que s’il se fixe cet objectif, sinon il n’y arrivera pas. Je n’ai pas une boule de cristal pour savoir comment ça va se passer dans 4 ans. Ce que je sais, c’est qu’il est sur la voie pour être joueur professionnel et aller aux JO. Il y en a, on sait qu’ils ne vont jamais y arriver, il y en a d’autres, on sait qu’ils peuvent y arriver, ce n’est pas sûr mais ceux qui ne sont pas au niveau de Nathan ou près de son niveau, c’est déjà trop tard. Un joueur qui ne joue pas au niveau international à son âge, c’est pratiquement impossible. Il est sur la bonne voie, il faut être ambitieux et c’est très bien qu’il le soit. S’il n’y arrive pas en 2028, il ira chercher 2032.”

Au vu de son âge, il pourrait dès l’année prochaine, rejoindre une équipe dans les premières divisions françaises comme celle des Loups d’Angers ?

“Pour moi, je le vois à l’avenir avec deux options, soit il va chercher rapidement la Pro B, un autre club que les Loups d’Angers, c’est une possibilité, soit il reste aux Loups d’Angers et il devient le joueur n°4 au début, pour prendre de l’expérience, puis jouer quelques matchs si, au vu de la saison, on peut le faire jouer. Lui, il préfèrerait rester à Angers. Les deux sont possibles mais ça peut aller très vite, un joueur de cet âge-là peut progresser très vite. Je l’ai vu jouer en Suède, son niveau est encore monté d’un cran. En Nationale 2, il n’a perdu qu’un seul match contre un joueur qui a un jeu très spécial, un match sur dix. Il a vraiment passé un cap.”

Comment, à son âge, on arrive à gérer la pression lors des tournois internationaux et européens ?

“Je pense qu’il adore y être ! Il prend ça pour une pression positive. Il l’avait dit lors d’une interview, il se considère comme un garçon normal, car il côtoie des personnes qui ont le même mode de vie que lui, alors qu’il n’a pas une vie normale en fin de compte. Voyager autant, partir, on vit des trucs spéciaux. Une fois, à l’hôtel, on était en bas en train de discuter avec des entraîneurs, il y avait des joueurs de Thaïlande, de Porto Rico et des Etats-Unis, il prend ça pour une chance de faire ces rencontres. À force d’y être, on voit à peu près les mêmes joueurs. Il fait abstraction du côté international, c’est des matchs à jouer, à gagner pour progresser, il prend ça comme une pression positive. Il serait malheureux de ne pas y aller. Il y a des joueurs qui n’aiment pas se retrouver à 9-9 à la belle, les joueurs internationaux adorent ça. Ils se servent et se nourrissent de la pression. Le jour où on a peur sur un match, ça devient compliqué.”

Voir qu’il avance dans vos pas, vous qui étiez un ancien grand joueur de tennis de table, vous devez être fier de ce qu’il réalise à son âge ?

“Fier qu’il fasse quelque chose qui lui plaît. Je le dis souvent dans les formations d’entraîneur, la qualité numéro 1 pour être joueur professionnel, c’est d’avoir envie, il passe son temps à jouer ; si tu n’apprécies pas ce que tu fais, c’est compliqué. Tout le monde aime bien jouer, mais tous les jours, faut vraiment adorer ça. Il adore ça, donc ça me rend fier. Après, je suis forcément content quand il gagne, surtout pour lui, j’espère qu’il va largement me dépasser, ce serait bien pour lui. Il veut en faire son métier, je ne vais pas lui dire que ce n’est pas un beau métier, donc il n’a plus qu’à assurer. Je suis très fier de lui.”