Romain BARRAS, Directeur de la Haute Performance au sein de la direction technique nationale, revient sur les décisions prises par le comité de sélection pour les championnats d’Europe en salle d’Istanbul.
Dernière chance sur le Vieux continent avant Paris 2024.
“La philosophie générale de cette sélection s’appuie sur la volonté d’envoyer des athlètes en capacité d’entrer dans le top 12 de leur épreuve. Ce niveau d’exigence est combiné avec le contexte d’une dernière compétition de niveau européen avant les Jeux olympiques. Après, il ne restera que des championnats du monde, à Budapest puis à Glasgow. C’est donc la dernière occasion d’ouvrir la sélection, comme nous l’avions fait à Munich l’été dernier, à des profils d’athlètes qui ont besoin de s’aguerrir. Cela donne 39 athlètes, dont un relais. C’est un peu moins que la moyenne habituelle pour des championnats d’Europe en salle.
Tous ceux qui pouvaient prétendre à la sélection au regard des modalités de la FFA, et notamment leur présence aux championnats de France, qui était obligatoire, figurent dans cette liste. Nous avons décliné les différents niveaux de priorité : d’abord les finalistes de Eugene, puis les champions de France dans le top 16 au ranking européen et/ou ayant réussi les minima, les athlètes éligibles avec les minima, les athlètes éligibles dans un top 12 au ranking, et enfin les athlètes éligibles et ayant le potentiel de rentrer en finale dans leur épreuve.
L’équité entre les disciplines.
A chaque fois, nous tenons compte des forces en présence sur le championnat, pour donner à tous l’occasion d’être performant le jour J. Ce qui explique que certains athlètes sont sélectionnés alors qu’ils figurent au-delà de la 12eplace sur le ranking brut, mais dans les 12 après la prise en compte des différents absents. Nous avons aussi fait le choix de l’équité entre les disciplines, en alignant notre curseur sur le quota de places disponibles par épreuve : 14 sur les épreuves combinées, 18 dans les concours, et entre 24 et 40 dans les courses. Nous avons donc décidé de placer la barre à 12 pour chaque épreuve (16 pour les champions de France), afin que toutes les spécialités soient traitées de façon équitable. De ce fait, chaque athlète présent en équipe de France a la même ambition de performance : se hisser en finale pour aller cherche le meilleur résultat possible.
Le choix de la forme du moment sur les haies et en longueur.
Dans les trois épreuves où il y avait plus de trois athlètes éligibles, nous avons privilégié la forme du moment par rapport au ranking. Ainsi, sur les haies féminines, nous avons considéré que Judy Chalcou avait devancé Solenn Compper lors de la finale à Clermont, et qu’elle avait aussi un meilleur chrono sur la saison. De la même façon, sur les haies masculines, Dimitri Bascou était devant Aurel Manga à Clermont, et il a un meilleur chrono sur la saison. A la longueur, Erwan Konaté est devant Augustin Bey aux bilans ainsi qu’au championnat, Augustin n’ayant pas pu sauter dimanche car il était malade, et il est également mieux classé au ranking.
Alice Finot et Aude Clavier défavorisées par le ranking.
Alice Finot et Aude Clavier ne sont pas éligibles au regard du ranking mis en place par World Athletics. Le 3000 m steeple ne permet pas d’être rankée sur 3000 m en salle, et Alice en fait les frais, alors qu’elle a couru en 8’52’’ à Liévin (les minima étaient à 8’48’’). Aude, de son côté, était blessée l’été dernier, et n’a donc pas disputé assez de courses pour être rankée. On touche là aux failles du ranking tel qu’il existe actuellement, et qui mériterait sans doute des aménagements. La question se poserait ainsi pour une athlète de retour de maternité, un choix de vie important qui doit être pris en compte. Sur la même épreuve, Leïla Hadji sera à Istanbul grâce à sa onzième place au ranking.
Le cas Yann Schrub.
Yann Schrub a fait le choix de ne pas faire de saison en salle, mais uniquement le meeting de Metz, tout près de chez lui, où il gagne le 3000 m avec un très bon chrono qui lui aurait permis d’être dans la sélection s’il avait été présent aux championnats de France. Sa stratégie est différente, puisqu’il vise une qualification aux Mondiaux de cet été sur 10 000 m via le cross-country, les huit meilleurs du circuit World Athletics de cross de cet hiver étant invités à Budapest. Il courra donc le cross d’Albufeira dans cette optique, et nous respectons pleinement sa stratégie.
La malchance des relayeuses du 4×400 m.
Pour les 4×400 m, il y avait trois places attribuées en fonction des résultats de 2022, une place pour le pays organisateur, et deux places sur les bilans de l’hiver 2023. La Turquie a décliné, ce qui faisait donc trois places attribuées via le bilan hivernal. En additionnant les chronos des quatre meilleures Françaises, nous étions troisièmes, à égalité parfaite avec les Italiennes. European Athletics n’ayant pas prévu ce cas de figure, il a fallu passer par un tirage au sort. Nous n’avons pas eu de chance, c’est l’Italie qui a gagné le tirage.
Mayer a pris sa décision.
Nous avons beaucoup discuté avec Kevin Mayer. Il a dit plusieurs fois qu’il s’interrogeait quant à l’opportunité de faire le déplacement. Il ne voulait pas prendre la place d’un autre combinard. Il s’est décidé lundi, car il sent que la forme monte et pense être en mesure de faire une grosse performance.”