Comme attendu, le front froid lié à la dépression remontant des Açores vers l’Irlande génère des vents soutenus sur la route des Antilles, avec des rafales jusqu’à 45 nœuds sur une mer forte de désordonnée. Prudemment, la grande majorité des marins de cette 12e Route du Rhum – Destination Guadeloupe, à l’exception de Louis Duc (Lives – Lantana Environnement) en IMOCA, ont donc fait le choix, depuis hier, d’incurver leurs trajectoires vers le sud. Des trajectoires qui s’éloignent des routes optimales en termes de performance mais qui leur permettent d’éviter une confrontation un peu trop musclée avec la perturbation en question.
Ce qu’il faut retenir de la nuit du 10 au 11 novembre sur La Route du Rhum – Destination Guadeloupe :
- Vers 3h30 ce vendredi, l’IMOCA Groupe APICIL de Damien Seguin a été percuté par un cargo entraînant son démâtage.
- La pénalité de Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) pour départ prématuré en Ultim 32/23 a été levée
- Olivier Heer (Olivier Heer Ocean Racing) en IMOCA, Mikaël Mergui (Centrakor) en Class40 et Philippe Poupon (Flo) en catégorie Rhum Multi ont repris la course après leurs escales techniques respectives.
- Armel Le Cleac’h (Maxi Banque Populaire XI) a rallié son port d’attache, Lorient, aux environs de 23 heures. Son équipe procède à un check complet du bateau et doit réinstaller la dérive initiale afin que le maxi trimaran reparte en mer.
- Jean Galfione (Serenis Consulting) est en escale à Brest à la suite d’une accumulation de problèmes techniques mais espère repartir en course rapidement.
C’est indiscutablement le fait marquant de cette deuxième nuit de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. L’information est tombée peu avant 5 heures ce vendredi : vers 3h30, alors qu’il évoluait en 14e position chez les IMOCA dans des conditions maniables, à 250 milles dans l’ouest des Sables d’Olonne, Groupe APICIL de Damien Seguin a été percuté par un cargo. Ce choc a entraîné le démâtage du monocoque de 60 pieds. Un sacré coup dur pour le skipper qui ne demande pas assistance et tente actuellement de dégager son espar alors que la course se poursuit intensément au sein de la flotte. Une flotte dont la grande majorité, depuis le passage de la pointe Bretagne hier, a fait le choix de mettre du sud dans sa route. Le but : éviter le plus violent du coup du vent généré par le passage d’un front froid en Atlantique nord, ce vendredi. « Dans la classe des Ocean Fifty, pas grand-monde ne s’est posé la question de la stratégie à adopter. On a tous décidé, sans concertation, de filer au sud », a commenté Sébastien Rogues (Primonial), ce matin, lors de la vacation officielle. « La journée s’annonce plutôt cool pour nous », a ajouté le Baulois qui a donc fait le choix de rester en bordure du golfe de Gascogne pour bénéficier de conditions de vent et de mer raisonnables afin de préserver sa monture. Il évolue, comme ses adversaires, au près dans une quinzaine de nœuds de vent à aux abords du cap Finisterre. Un cap dont le passage s’annonce, cette fois, plutôt tranquille, comme cela a aussi été le cas en milieu de nuit dernière pour les leaders de la classe Ultim 32/23, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), François Gabart (SVR – Lazartigue) et Thomas Coville (Sodebo Ultim 3), qui se tiennent en une petite cinquantaine de milles et tentent d’y voir plus clair sur la suite des évènements.
Un trou de souris possible pour les leaders en Ultim 32/23
« Rien n’est encore très limpide », a affirmé le leader, tôt ce matin, par ailleurs soulagé par l’annonce faite ces dernières heures par le jury, à savoir la levée de sa pénalité pour départ anticipé. « Je ne comprenais pas ce qu’il s’était passé car j’avais pris de la marge. C’est une bonne nouvelle ! Les conditions sont là, avec le match qu’on attend ! », a détaillé Caudrelier qui a retrouvé des couleurs depuis son intoxication alimentaire survenue peu après le départ, et qui met les bouchées doubles pour consolider son avance. « Je me pose beaucoup de questions pour la suite. J’avoue que je me repose beaucoup sur mes routeurs car il y a énormément de travail à faire à bord. J’en ai marre de faire du près, même si je ne vais pas me plaindre par rapport à d’autres bateaux. J’ai hâte de retrouver des conditions de vents portants », a ajouté le skipper d’Edmond de Rothschild dont l’enjeu du moment est de réussir à attraper une queue d’alizé après le premier front et d’en profiter pour prendre la poudre d’escampette. Petit hic : cela reste un trou de souris mais s’il parvient à s’y engouffrer, comme peut-être aussi François Gabart, il marquera assurément des points. Dans le cas contraire, il lui faudra, comme pour les autres, repartir vers l’ouest, avec le vent dans le nez.
La face nord, payante ?
Prendre son mal en patience. Tel est donc le leitmotiv du moment. Chose qu’a notamment confirmé Louis Duc, tôt ce matin. « Tout se passe bien mais j’ai mis le bateau en sécurité pour ne surtout pas abimer les voiles. Ça souffle entre 35 et 40 nœuds avec de bonnes rafales. Je suis sous trois ris seuls et ça me permet de passer les vagues. J’ai mis la course un peu entre parenthèses et j’ai donc un peu ralenti, comme je l’avais anticipé, mais d’ici peu, je vais pouvoir attaquer de nouveau et ça devrait bien se dérouler derrière pour moi ». Et pour cause, le skipper de Fives – Lantana Environnement suit théoriquement la route la plus rapide. Reste que dans les faits, ce n’est certainement pas la plus facile puisqu’il va devoir composer avec un enchaînement de fronts avant de pouvoir enfin redescendre. « Ça devrait passer, il n’y a pas de raison », a assuré le navigateur qui pourrait, si tout se goupille bien ou à tout le moins comme il l’imagine, être récompensé pour son audace dans les prochains jours. A moins que Charlie Dalin (Apivia), qui cavale 220 milles plus au sud avec plus de vingt milles d’avance sur son poursuivant le plus proche, récolte davantage de fruits de son option. Les paris sont ouverts. En l’état toutefois, pas facile de se faire une idée compte tenu des incertitudes qui demeurent. « Il semble y avoir un petit décalage entre les fichiers et la réalité sur l’eau. Dans l’immédiat, c’est un peu moins fort que prévu. On va voir si c’est juste un décalage dans le temps ou un réel affaiblissement du vent. La situation n’est pas très claire. Dans les heures qui viennent, cela va être à nous de mettre les limites où l’on veut », a terminé Luke Berry (Lamotte – Module Création), actuellement dans le groupe de tête en Class40, une trentaine de milles sous la route directe.